Parmi toutes les règles de sécurité qui régissent la conduite d’un camion sur la route figure la question des angles morts. Focus sur cet élément à l’origine d’un nombre conséquent d’accidents sur le territoire français.
L’angle mort définit une zone non visible depuis les rétroviseurs ou, dit autrement, une zone qui n’apparaît pas dans le champ de vision du conducteur. Constituant une source de dangers, les angles morts doivent faire l’objet d’une attention particulière, à la fois de la part du conducteur, mais aussi des autres usagers circulant sur la voie publique et considérés comme vulnérables (piétons, cyclistes, utilisateurs d’engins de déplacement personnels).
Statistiques d'accidents et angles morts en France
Le non-respect des angles morts est à l’origine de nombreux accidents chaque année. Premières victimes : les piétons. Près de 10 % des accidents mortels de piétons sont ainsi causés par un angle mort. Le chiffre est quasi similaire pour les accidents mortels de cyclistes. Dans la globalité, 3 % des accidents mortels sont dus à un angle mort en France.
Spécificités des angles morts sur les camions et les bus
Si les angles morts concernent l’ensemble des véhicules, les camions et les bus connaissent quelques spécificités. Les poids lourds et autres véhicules du même type sont en effet des véhicules plus hauts que les autres. La surélévation de ces véhicules et du poste de conduite est à l’origine de nouveaux angles morts pour le conducteur. Ces zones d’angles morts se situent à l’avant (en dessous du pare-brise), sur les côtés, ainsi qu’à l’arrière du véhicule.
Risques pour les piétons et les cyclistes
Les statistiques évoquées ci-dessus le démontrent : les angles morts constituent un véritable danger pour la sécurité des piétons et des cyclistes. C’est en particulier le cas en milieu urbain où les camions et poids lourds sont invités à multiplier les arrêts au stop, au feu, à une intersection, etc., et les redémarrages avec changement de direction ou non.
On ne peut légitimement imputer la responsabilité d’un accident d’angle mort au seul conducteur. Si le conducteur d’un camion ou d’un poids lourd est naturellement responsable en cas d’accident causé par un excès de vitesse ou par le non-respect de la réglementation sur autoroute, la nuance est de mise dans le cas d’un accident dû à un angle mort. Sans nier la nécessité d’être attentif aux angles morts pour le conducteur, les autres usagers de la route ont également un rôle à jouer. C’est d’ailleurs dans une démarche d’information et de pédagogie que s’inscrit la mesure de signalisation des angles morts. De nos jours, un nombre encore trop important d’usagers n’ont pas véritablement conscience des difficultés pour un conducteur de poids lourd à percevoir leur présence.
Adoption de comportements sécuritaires
Plusieurs comportements permettent de réduire le risque d’accident dû à un angle mort. Premières victimes de ces accidents, les piétons sont ainsi invités à :
- n’utiliser que les trottoirs et les passages pour piétons pour se déplacer ;
- se rendre visibles ;
- faire preuve de prudence au moment de traverser la chaussée, en se dégageant des éventuels véhicules qui masquent la vision ;
- s’assurer d’être vus du conducteur et d’avoir un champ de vision dégagé ;
- manifester leur intention de traverser ;
- ne pas être focalisés sur leur smartphone.
Autres victimes des accidents dus à un angle mort, les cyclistes et plus largement les usagers de la route circulant à deux-roues ont tout intérêt, en cas de circulation à proximité d’un camion :
- à ne pas doubler le véhicule par la droite ;
- à ne pas effectuer de dépassement en cas de manœuvre du camion ;
- à ne jamais s’arrêter à hauteur du camion.
Importance de la signalisation des angles morts
La sensibilisation aux angles morts des camions fait depuis plusieurs années l’objet d’un dispositif légal (voir ci-dessous). D’une manière générale, les camions et poids lourds sont tenus d’afficher une signalisation matérialisant leurs angles morts afin de rappeler aux autres usagers de la route leur existence. Cette signalisation prend la forme d’un encadré adhésif ou riveté avec une signalétique "Attention" en blanc sur rouge, le rappel de la catégorie de véhicule, la délimitation des zones d’angles morts synonymes de danger, et une signalétique "Angles morts" en noir sur jaune. Cet autocollant ou cette plaque doit être positionné :
- latéralement, à l’avant du véhicule, à une hauteur comprise entre 0,9 mètre et 1,5 mètre pour les véhicules de transport de marchandises (avec un recul d’un mètre par rapport à l’avant du véhicule) ;
- à l’arrière du véhicule, à droite du plan médian longitudinal, et à une hauteur comprise entre 0,9 mètre et 1,5 mètre.
La signalisation des angles morts peut être fixée par collage d'autocollants ou par rivetage.
Le décret du 20/11/2020 relatif à la signalisation matérialisant les angles morts sur les véhicules dont le poids total autorisé en charge excède 3,5 tonnes détermine les conditions d’application du dispositif. La loi relative à la sécurité routière rend obligatoire, depuis le 1er janvier 2021, la présence de cette signalisation d’angles morts. En cas de non-respect de cette obligation légale, le conducteur s’expose à une contravention de quatrième classe avec une amende forfaitaire de 135 euros (pouvant être minorée à 90 euros). À noter que certains types de véhicules bénéficient d’une exemption. Les véhicules agricoles et forestiers, les engins de service hivernal ou encore les véhicules d’intervention des services gestionnaires des autoroutes ne font ainsi pas partie du champ d’application de ce décret. Cette exemption se justifie par le fait que ces véhicules ne sont a priori pas destinés à se retrouver dans un milieu urbain dense.
Enjeu important pour la sécurité routière, la question des angles morts fait désormais l’objet d’une réglementation et d’une obligation légale de signalisation. En pratique, rien ne remplace toutefois la vigilance des conducteurs et des autres usagers de la route.